Début mars 2023, la résurgence de la grippe aviaire au Cambodge a attiré l’attention des épidémiologistes après le décès d’une fillette de 11 ans, ravivant menace persistante de la grippe aviaire et du risque de pandémie. Faut-il s’en inquiéter ?
La grippe aviaire est une maladie virale causée par un des virus de l'influenza aviaire. Ce virus se propage à la fois chez les oiseaux sauvages et domestiques, plus rarement aux mammifères et parfois à l'homme. Il existe de nombreuses souches différentes de grippe aviaire, la souche virale la plus préoccupante est actuellement le H5N1.
Il faut se souvenir que juste avant l’émergence de la pandémie de COVID-19 à la fin de l’année 2019, les virus de la grippe aviaire étaient considérés comme des virus à potentiel pandémique, c’est-à-dire ayant la capacité de diffuser dans le monde entier et de toucher l’ensemble de la population humaine. Ces virus aviaires ont été surveillés, étroitement observés et suivis depuis que les premiers cas humains de H5N1 ont été signalés à Hong Kong en 1997, lorsque 18 personnes avaient été infectées (dont 6 décès). Un abattage massif de toutes les volailles (y compris les oiseaux de compagnie, vénérés et hors de prix) à Hong Kong avait été entrepris pour empêcher le démarrage d’une pandémie humaine de H5N1 à cette époque. Depuis lors, il y a eu trois « vagues » d'infection par le H5N1 chez l'homme.
Première vague : en décembre 2003, le H5N1 est réapparu, provoquant des épidémies dans des élevages avicoles commerciaux en Corée du Sud. Jamais la grippe aviaire n'avait infecté autant de pays simultanément. Au cours de cette période, un total de 35 cas humains sont survenus, en Thaïlande et au Vietnam, dont 24 mortels.
La deuxième vague épidémique chez les volailles (juin-octobre 2004) a affecté la Chine, l'Indonésie, la Thaïlande, le Vietnam et la Malaisie. La Thaïlande et le Vietnam ont de nouveau signalé des cas humains au cours de cette période (un total de neuf cas humains, dont un seul s'est rétabli). Malgré les efforts de contrôle, le virus est devenu endémique (présence permanente) dans certaines parties de l'Asie.
La troisième vague s’étend de décembre 2004 à aujourd'hui.
Foyers de grippe aviaire et risque de migration
La persistance de foyers de grippe aviaire chez des volailles en Indonésie, en Thaïlande et au Vietnam tout au long de 2005 a généré des cas humains (transmission à l’homme) survenus en Thaïlande, au Vietnam et, pour la première fois, au Cambodge. En avril 2005, dans le district du lac Qinghai en Chine, plus de 6 000 oiseaux sauvages de nombreuses espèces différentes sont soudainement morts du H5N1. Ce lac est une halte majeure pour de nombreux oiseaux migrateurs et on pense que cet événement a contribué de manière significative à la propagation ultérieure, soudaine, apparente du H5N1. Les oiseaux migrateurs et peut-être le commerce de la volaille, ont depuis propagé le virus dans certaines parties de la Russie, du sous-continent indien, du Moyen-Orient, de l'Europe et de l'Afrique.
Comme pour la plupart des infections virales, les ressources thérapeutiques sont rares et non immédiatement disponibles, souvent réservées à l’usage hospitalier. Le médicament antiviral Tamiflu est efficace contre le virus H5N1 s'il est pris tôt, dès les premiers stades de l'infection. Certains fabricants de vaccins ont développé des vaccins « prépandémiques », basés sur les souches actuelles de la grippe aviaire H5N1 mais aucun vaccin n'est aujourd’hui accessible au grand public.
Il est à craindre que le virus H5N1 poursuive son évolution et se propage plus efficacement de l’animal à l’homme. Cependant et selon le Center for Diseases Control and Prevention (CDC) des États-Unis, il est peu probable qu'une personne soit infectée par la grippe aviaire par l'intermédiaire d'un mammifère infecté, mais cela reste "possible - surtout s'il y a une exposition prolongée et non protégée avec un animal infecté". D’après le CDC européen, le risque de transmission de grippe aviaire au public au sein de l’UE est considéré comme étant faible. En parallèle, le risque de transmission aux personnes qui y sont professionnellement exposées est considéré comme étant faible à modéré.
En octobre 2022 le virus H5N1 s’est propagé dans un élevage de visons en Galice (Espagne). Aucun humain n'a été infecté : les personnes en contact avec les visons portaient des masques depuis 2020 contre le risque de transmission du COVID-19. Dès la suspicion de grippe aviaire avérée, d’autres mesures de protection ont été rajoutées (combinaisons jetables, écrans faciaux, changement de masque deux fois par jour ainsi que lavage fréquent des mains) et se sont montrées efficaces.
Il n’en reste pas moins que les visons pourraient servir de réservoir intermédiaire pour la transmission entre espèces : oiseaux - mammifères - humains. Compte tenu de l’épidémie H5N1 en cours, il est très important de prévenir l'infection du vison par de tels virus.
En conséquence, le suivi régulier de cette situation sanitaire s’impose pour éviter d’être pris de court par une évolution significative.